Mémoire de mes putains tristes, de Gabriel Gracia Marquez

 

 

Le principal handicap l’homme est son ignorance des mystères de la chair que certains disent faible, de risquer de perdre la liberté de rester grossier.

Le vrai mâle, bourru pour se donner une contenance se veut le verbe haut et le geste fort, montant à l’assaut de ses conquêtes comme l’on prend à revers une armée se déroutant ; c’est un conquistador dont le souvenir chérit la mémoire de sa mère.

Un comportement typique dont souffrent malgré eux les intéressés, sans qu’ils en puissent s’affranchir, au risque de se singulariser devant le regard des compères affligés des mêmes maux.

Triste constat que se fait cet homme au soir de ses quatre-vingt-dix ans. Sa vie a passé telle l’eau qui coule sous les ponts, immuable, constante et éternelle. Une destinée vécue avec la solitude et ses écrits qui le font vivoter mieux que vivre, et les putains au grand cœur de Rosa, la maquerelle du village.

Seule une lingère aura trouvé quelque félicité auprès de l’ours qu’elle sert encore aujourd’hui, prise par l’amour qu’elle lui voue en secret ; lui l’acceptant juste à revers, par habitude. Ainsi passe la vie d’un homme, intellectuel brillant aimant jurer et pincer les fesses des filles de salle, sans attache et sans bride.

 Mais ce matin, c’est quatre-vingt-dix printemps qui lui tombent sur le dos, pas loin d’un  siècle de gaudriole et de fanfaronnade, à se rire de tout, à se rire de lui. Alors pour célébrer dignement ce jour faste, il commande au clandé où il a ses habitudes, une pucelle ! Il la veut belle et jeune, mais surtout neuve : Qu’il ne soir point question d’une seconde main indique-t-il ..!

Alors commence pour lui le plus grand des dilemmes, être un mufle parfait, presque un monstre pour la détestation de soi, ou exprimer un reste de conscience, d’humanité toute pudibonde ?

Jamais il n’a failli face à l’adversité, et toutes ont eu droit à ses faveurs, mais là…

Tellement si belle et tellement si jeune, il ne peut que la contempler alors que la petite dort d’un juste sommeil. Chaque fois c’est pareil, il revient et ne parvient qu’à la regarder dormir, tant et si bien qu’il finit par découvrir un sentiment jusqu’alors insoupçonné, un amour utopique pour quelqu’un du sexe faible, un manque qui le suit et l’obsède, derrière peut-être un désir de paternité.

Quatre-vingt-dix ans pour éprouver le besoin de penser à quelqu’un pour se savoir en vie et fier de vivre encore …

  Une fable touchante, frôlant l’inconvenant, parfois ; mais toujours avec une sorte d’impudence naïve. C’est une ode à l’amour et à la rencontre de l’autre, l’enrichissement par la controverse d’un jouisseur devant l’éternel. Et il faut un rare talent pour conter de telles gauloiseries…

<” roman »>

A propos Jérôme Cayla

Chroniqueur littéraire, lecteur, auteur de deux romans : Mathilde et Trois roses blanches. Je travaille habituellement avec les services presse des maisons d'éditions Me contacter par Mail sur contact Presse pour les livres en services de presse.
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