Le Montespan de Jean Teulé


Le cocu le plus célèbre de France portait très hautes les cornes de sa distinction, fier qu’il était se s’être fait élevé à cette charge par le grand Louis.

Quel destin que celui de cet homme, quel brio dans le geste et le verbe, quel talent d’avoir autant aimé sans l’espoir même d’un remord…

C’est un peu par hasard, mais les hormones et la jeunesse aidant, ils se marièrent très tôt pour célébrer au mieux cet acte de foi. Cela tombait juste à pic puisque l’impécuniosité du ménage les poussait à se complaire d’amour et d’eau fraîche, enfin presque… L’homme était doué d’un solide appétit des charmes de madame, elle le lui rendait bien.

Las, à force d’exposer l’objet de toute son attention  pour tenter d’étoffer l’accommodement de son ordinaire, la jolie fut aperçue par le soleil en personne, qui s’en émut jusqu’à vouloir la réchauffer, ne voulut plus la rendre à l’infortuné qui n’y vit pas là la chance de sa vie. Que non !

Notre majesté monte une cavale dotée d’un solide appétit, dira sur elle une certaine rumeur populaire dans peu de temps…

C’est alors que commence la plus belle exhibition jamais vue, de la preuve d’amour, la mieux audacieuse de son temps.

Il est si honoré que celle qui est sienne soit celle en titre d’un roi, qu’il porte couronne en ramures de cerf sur le dessus du carrosse, fait enjoliver les armes de sa famille de pareille manière, faisant même retoucher quelque sien portail de courette pour pouvoir entrer sans désarmer. Aucun honneur, fut-il aussi beau que celui d’un duché prairie, avec ses titres et rentes, ne lui fera infléchir sa ligne de conduite ; il n’a qu’une vie, n’aura qu’un amour.

Le soleil on le sait bien est instable dans ses chaleurs, l’hiver suit l’automne avec encore plus de rigueur. Mais son altesse n’assumant pas le service après usage, pourvu qu’il ne fusse pas religieux, donc loin de son céleste regard ; c’est une ancienne jolie, bien qu’un peu marquée de ses multiples grossesses qui demandât protection de l’aile du marquis, son toujours encorné de mari…

Ce dernier, bien chagrin de cette demande, après mûres réflexions qui le mirent au supplice le plus terrible, lui refusa le refuge de son toit, par retour de courrier, sèchement.

En toute conscience, autant d’années plus tard, il se voyait trop usé, trop vieux et un peu rhumatisant pour oser renouer avec le fil de cet amour avorté dans l’œuf ; ne l’ayant jamais pensée autrement que soumise par la contrainte, son âme lui étant resté fidèle, il refusa tout de go.

Si la dame est bien connue de l’histoire, son époux ne l’était pas, Jean Teulé nous dresse du marquis de Montespan un bien joli portrait, une très belle preuve d’amour, la plus belle puisque sans contrepartie, aucune. Encore une fois, Jean Teulé nous invite en un voyage incroyable, plaçant ci ou là quelque façon d’en rire pour masquer une pointe de gêne, ne pas se sentir obligé d’en pleurer.


On me dira qu’il y en a toujours pour les mêmes, et bien c’est oui !

Parce que j’aime bien Jean Teulé, que son écriture me touche, qu’il me fait rire. Pourtant, celui-là, Le Montespan, je m’étais bien juré de ne pas le lire ; c’eût été une bêtise que cet entêtement …

Et juste pour la petite histoire, pour en rire :

Je m’étais fais cette promesse, car j’ai quelques accointances avec le roi Louis. D’abord géographique car nous sommes voisin, mais surtout pour l’affection d’une certaine dame qui lui vint aussi tard qu’elle me vint tôt. Elle fut sa femme et elle berça mes rêves d’enfant.

Elle fut si contraire à la précédente qu’elle l’évinçât. Françoise d’Aubigné née, dans la gêne la plus féroce, d’un père de peu, sut se grandir au rang que l’on sait : marquise de Maintenon. C’est sûrement cette ascension improbable qui me faisait tant rêver, car elle fut plus que difficile. Pour sa part, le sieur Saron lui a surtout rendu service, même s’il en coûtât un peu à la vertu de la dame… Elle moyennait ainsi son éducation pour être en mesure d’affronter le sel de son époque

Quant à l’autre, encore une Françoise, très immodestement de Rochechouart de Mortemart, dite aussi  Marquise de Montespan, ou Athénaïs pour faire sa romaine…

C’est à sa descendance plus qu’a elle que je dois une certaine animosité, car on l’oublie trop sous notre ciel républicain, les de Machin-Choses sont encore là, la famille de la marquise aussi.

Cette madame de Mortemart qui justement m’a jouée un tour mauvais, il y a déjà bien longtemps, pour des raisons toutes professionnelles, m’est restée dans le pif. Elle avait rejeté mon offre, la voie honorable que je pouvais lui proposer, parce que j’étais moi et qu’elle était elle ; encore ..!

Pourtant, si je détenais le trop qui l’eût rendue plus sereine, elle se piquait de son peu pour consommer sa fièvre ; les fonds trop bleus blancs rouges lui faisaient sans doute horreur.

Par un retournement inévitable des choses, la variabilité des fortunes de chacun aidant, car la vie se surprend souvent ; c’est l’entièreté de ce que je convoitais partiellement jadis qui me revient désormais, pour rien…

De là à supposer qu’il est resté une vue un peu altière et une manière de fragilité entre les générations, il n’y a qu’un pas que je me refuse de franchir… La descendance d’Athenaïs n’a vraiment rien a envier à cette aïeule qui fit tourner la tête du plus connu de nos Rois…

A propos Jérôme Cayla

Chroniqueur littéraire, lecteur, auteur de deux romans : Mathilde et Trois roses blanches. Je travaille habituellement avec les services presse des maisons d'éditions Me contacter par Mail sur contact Presse pour les livres en services de presse.
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