Ce n’est pas San Antonio qui s’exprime, mais le voyou qui se raconte : du jubilatoire pour les amateurs du genre.
C’est un polar bien sombre, méritant le titre de polar noir, qui ne va qu’à l’essentiel ! Son auteur, tout comme le personnage principal du bouquin, ne s’embarrassent pas de fioriture. Tout commence dans une cellule de prison, petite, avec un avenir réduit à un espace d’une largeur de bras, parce qu’on a fini par retrouver un macchabée au fond d’une mare en voulant compter les carpes s’y trouvent ! Un comble… Libéré plus tôt que prévu parce qu’un élément nouveau le dédouane d’un meurtre qu’il a pourtant commis, notre homme revient chez lui, enfin, ce qu’il en reste. Cherchant à rendre un peu de confort à son domicile, il trouve un cadavre enterré. Résolument, la vie devient une routine faite de cadavres et de débris. Cela ne l’empêche pas de regarder vers demain : c’est déjà suffisant comme distance.
Manifestant plus des pulsions que des sentiments, il erre entre un passé plein de trous et un avenir incertain. Rapidement, une bande de malfrats s’en prend à lui : ils veulent l’argent que son ami de toujours, qui a pris sa place en cellule, a dérobé durant son incarcération. Une petite fortune dont il ne savait même pas qu’elle existât, encore moins où elle se trouve.
L’homme est un marginal qui se lie rapidement avec quelques paumés dans son genre, plein de rêves impossibles et les illusions en berne. Le décor est planté, la boucherie peut commencer.
Jacques Bablon rédige son roman avec des phrases courtes, lui conférant un rythme rapide, incisif, parfois drôle. Un polar bien noir où faire disparaître du nombre des vivants n’est qu’une formalité. Çà et là, un petit rayon de soleil fait voir la vie en rose, le temps d’un regard, d’une jolie paire de seins, puis il faut retourner faire le ménage : la police le tient à l’œil et quatre loubards en peu à cran cherchent leur pognon. Les loustics en moins, il pourra respirer mieux.
Une écriture qui anime des images : on visualise la scène ! Un langage dont les métaphores rappellent un peu cette langue oubliée qu’était l’argot de Paris au début du XXème siècle. L’époque où les truands ne s’en prenaient qu’aux voyous, prenant garde de préserver le cave, leur outil de travail, leur vache à lait… Comme on est entre gens du même monde, tous parlent le même langage.
Un grand policier, je ne pense pas. Pourtant un roman décoiffant, tout à fait déjanté qu’on prend plaisir à lire en regrettant qu’il ne fasse que 150 pages. Pour un premier roman, c’est une jolie réussite, un bel essai qu’il faut maintenant transformer : à quand le prochain pense-t-on en fermant le livre.
Présentation de l’éditeur
« Tout a commencé quand on a retrouvé le corps de Julian McBridge au fond de l’étang que les Jones avaient fait assécher pour compter les carpes. Ils auraient plutôt eu l’idée de repeindre leur porte de grange ou de s’enfiler en buvant des Budweiser et c’était bon pour moi. McBridge n’était pas venu ici faire trempette, ça faisait deux ans que je l’avais balancé là par une nuit sans lune avec un couteau de chasse planté dans le bide. 835 carpes et 1 restant de McBridge. Les Jones avaient un cadavre sur les bras, ils ont commencé à se poser les questions qui vont avec… » On est embarqué dans ces pages comme si on descendait les rapides d’une rivière en furie sur une pirogue sans pagaie, ballotté, effaré, douché, concentré, mais vivant… Si vivant ! Superbe !
Vidéo de présentation
Biographie de l’auteur
Sa mère est née à Saint-Pétersbourg, lui à Paris en 1946. Il passe son enfance dans le 93 à taper dans un ballon sur un terrain vague triangulaire… Ado, il décide de devenir guitariste et de chanter du Dylan pour pouvoir draguer les filles… Mais devant le peu de succès récolté il préfère s’acheter une pile de disques (les Stones, Mozart, les Beatles et compagnie…) et un Teppaz. Plus tard l’exaltation artistique lui tombe dessus par hasard grâce à la peinture. Après avoir dessiné des bols, des cafetières, des pommes et des femmes nues, il devient professeur à l’École supérieur des arts appliqués. Parallèlement à sa carrière officielle d’enseignant heureux, il publie des BD chez Casterman et devient scénariste dialoguiste de courts et longs métrages. Il a toujours eu besoin de voir loin pour survivre, c’est pourquoi il habite en haut d’une tour. Mais le pire, c’est que des années après, il ne sait toujours pas où est passé son Teppaz…
Détails sur le produit
• Poche: 152 pages
• Editeur : Jigal (16 février 2015)
• Collection : Polar
• Langue : Français
• ISBN-13: 979-1092016314
• ASIN: B00SSQNPL4
• Dimensions du produit: 19,5 x 1,1 x 12,5 cm