Show me a Hero, de Lisa Belkin

Les Etats-Unis c’est le rêve américain, le tabloïd que nous montrent les médias, les séries télévisuelles et les films à grand budget : mais l’image affichée est-elle conforme à la réalité ?

Ce roman de Lisa Belkin nous peint la chronique d’une ville moyenne sur un demi-siècle, en témoignant du fonctionnement de l’American way of life tel qu’il est ressenti par les citoyens. Au long de l’histoire de cette ville, on mesure le poids de la justice, le fonctionnement d’une municipalité, les peurs et les ambitions de chacun. Un roman écrit à la manière d’une enquête sociologique dressant le constat de ce qu’est réellement la vie dans cette super puissance mondiale, toujours en effervescence vers le plus en se retranchant sur ses traditions et ses peurs. Les Etats-Unis sont un paradoxe curieux semblant avoir pour devise encore plus fort tout en ayant la crainte du lendemain. La réussite personnelle est un tel graal qu’une fois atteint, il pousse à la méfiance envers ceux moins brillants restés au pied de l’ascenseur social. S’ajoute à cela des relents de racisme ― n’ayons pas peur des mots ― qui ont nécessités l’adoption d’une politique visant à lutter contre la ségrégation envers les minorités et, limiter au mieux la désintégration des exclus du rêve américain.

Le livre retrace le combat de deux couches de population : rien n’est tiède aux USA, on possède ou on subit. Un duel sans merci où le meilleur doit gagner ce qui lui revient de droit, le second devant se contenter de ce que le premier lui offre. Alors, quand un juge somme une municipalité de construire des logements sociaux, en respectant une mixité avérée plutôt que de construire de nouveau ghetto en périphérie, les bonnes âmes s’émeuvent, s’échauffent. Pourquoi offrir des beaux logements a ceux qui ne se sont pas offert les moyens de les acquérir par eux-mêmes ? Nous sommes là dans la politique locale, où l’esprit communautaire prime devant tout, où la voix du plus fort l’emporte forcément : les pauvres doivent être satisfaits de ce qu’on met à leur disposition, ou gagner le droit de vire au grand jour ! Une lutte inégale dans laquelle les voix sont disparates dans la logistique municipale, les craintes venant d’offrir sans contrepartie en favorisant la passivité, de voir survenir un envahissement de la délinquance propre aux cités dans la zone paisible des résidences. Pourtant, des architectes clament que l’on peut faire du beau à peu de frais, que cela entraînera une sociabilisation par la responsabilité de chacun, ne serait-ce que par le plaisir d’être vraiment chez soi, dans un cadre joli dont le locataire se sentira responsable.

Face au rejet du conseil municipal de toutes discussions sur les logements sociaux, un juge fédéral décide de faire appliquer la loi à la lettre contre les ségrégations, quitte à ruiner la ville en amendes exorbitantes. Chaque maire nouvellement élu doit affronter ce dilemme colossal : louvoyer entre l’opposition de la ville, le juge agissant par contrainte, les associations en charge des minorités. En Amérique où les gens sont élus plus que nommés à leurs postes de responsabilité, le risque de voir fleurir le clientélisme ruinant tout effort est grand. Pourtant, le système permet à la justice de faire bouger les lignes avec des moyens qui seraient inconcevables chez nous, mais qui font malgré tout bouger les lignes de blocage.

L’espoir dans les cités est depuis si longtemps en berne que nul ne pense pouvoir un jour s’affranchir du sordide dans lequel il est confiné. Vivre est déjà suffisamment difficile pour pouvoir s’offrir le luxe d’un rêve impossible. Quand survient le début des travaux visant à construire des maisons individuelles à caractère social, chacun se surprend à rêver à un jour nouveau. Certains commencent à acheter de quoi équiper la future maison, bien que nul ne sache vraiment qui ira vivre dans cet eldorado. Tous le savent : il y aura un tirage au sort pour l’attribution des maisonnettes, ainsi va la loi sur les logements sociaux. Mais chacun se demande également comment se passe la vie dans une maison individuelle : il y a tant d’espace ! Seront-ils accueillis comme des vrais citoyens par les habitants des zones pavillonnaires, vus comme des gens normaux et non comme des parias injustement dotés, puis comment se gère une maison et qui tondra la pelouse ?

Ce roman écrit par une journaliste sur une histoire vraie se passant près de chez elle donne un éclairage intéressant sur la vie quotidienne aux USA. La démarche entreprise par les politiques d’intégration américaine, aidée par quelques architectes visionnaires semble avoir du bon, puisqu’elle vise à responsabilité les gens en position d’assistanat. Rendre sa fierté à quelqu’un n’est-ce pas lui donner l’envie de se plaire en se voyant dans une glace ? Pour ceux ayant ratés le grand envol du rêve américain, la politique mise en œuvre vise sûrement à apprendre à s’élever de ses propres ailes. Faire du beau ne peut entraîner le pire, l’inverse se concrétise rarement. Il est aussi rassurant de voir que dans un pays où l’agent de la réussite est roi, le facteur humain conserve un peu de valeur. Il y a l’Amérique d’en haut et celle d’en bas, mais le rêve américain continue de tenter et de drainer le bas vers le haut. La société américaine, très normée et gorgée de principes, cultive encore l’esprit de communauté. C’est une de ses forces, mais également une faiblesse. Les catégories sociales se côtoient sans se mélanger, par peur de l’autre et la crainte de perdre ses acquis. La démocratie aidée par un peu de muscle peut seule faire bouger les frontières, ce livre passionnant le démontre brillamment.

Présentation de l’éditeur

États-Unis, fin des années 80. Dans une petite ville, la ségrégation n’a pas pris fin. Un juge décide de changer les choses… Entre The Wire et House of Cards… découvrez le roman qui a inspiré la nouvelle série HBO créée par David Simon !

 » Montrez-moi un héros, et je vous écrirai une tragédie… « . F.Scott Fitzgerald Yonkers, dans l’État de New York. Ville paisible où il fait bon vivre, s’il n’y avait pas cette ligne invisible qui sépare Yonkers en deux. D’un côté des quartiers aux pavillons coquets, aux rues propres bordées d’arbres ; de l’autre, les barres d’immeuble, les graffitis. La foule, le bruit, la misère. Lorsque tombe l’annonce qu’une loterie permettra à certaines familles modestes d’intégrer des maisons flambant neuves dans les beaux quartiers, ce qui paraît comme un rêve pour certains est vécu comme un cauchemar par d’autres. Éclate alors une lutte sans merci où tous les coups sont permis et qui dresse Blancs contre Noirs, riches contre pauvres. Un jeune débutant en politique qui doit déjouer tout un système, un juge incorruptible, un architecte visionnaire mais arrogant, une mère célibataire luttant férocement pour offrir un avenir meilleur à ses enfants… À la fois chronique juridique, thriller politique et tragédie humaine, Show Me a Hero transforme un fait divers en un drame haletant qui est toujours d’une brûlante actualité. Ce livre a inspiré la série Show me a hero créée par David Simon, diffusée sur OCS dès le 17 août en version originale sous-titrée et prochainement en version multilingue. Plus d’infos sur OCS, bouquet TV dédié au cinéma et aux séries, sur www.ocs.fr

Biographie de l’auteur

Diplômée de l’université de Princeton, Lisa Belkin a travaillé plusieurs années pour le New York Times et a rejoint Le Huffington Post en 2011, puis Yahoo News en 2014.

Détails sur le produit

• Broché 432 pages
• Editeur : Kéro (1 octobre 2015)
• Langue : Français
• ISBN-10: 2366581688
• ISBN-13: 978-2366581683
• Dimensions du produit: 24 x 3,6 x 15,5 cm
• Dimensions du produit: 22 x 1,5 x 14,5 cm
• Parution prévue le 05/10/2015

 

A propos Jérôme Cayla

Chroniqueur littéraire, lecteur, auteur de deux romans : Mathilde et Trois roses blanches. Je travaille habituellement avec les services presse des maisons d'éditions Me contacter par Mail sur contact Presse pour les livres en services de presse.
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