Le voyage en Argentique, de Christine Spadaccini
Il n’est de déception plus forte, de violence de la séparation plus amère, que celle dite avec les mots les plus tendres.
Christine Spadaccini réussi là un tour de force, celui de nous emmener à la recherche des souvenirs, qui chacun, soulignent l’éloignement de celle dont elle conduit les derniers temps. Si pour l’une ce sont la mémoire et les repères qui lentement s’effritent, pour celle qui la veille, c’est autant de raisons de se rappeler. Tout comme l’amour de l’autre, qui reste bien souvent une affaire entendue ; un prochain départ a une furieuse lubie consistant à lui conférer les armes de la violence…
Une rupture avec le quotidien, avec les habitudes, avec la vie et les liens de filiation est d’autant plus provocante qu’elle fut involontaire.
Chacun de ceux qui ont accompagné un aïeul en perdition, une vie qui part à la dérive comprendra cette angoisse, ce cheminement dans la pensée, cet itinéraire qui cherche à combler un vide en se souvenant.
Puis vient un jour, ou le naufrage venu, chacun ne peut plus que se chercher dans une brume infinie, le passé se faisant couleur sépia…
Un livre attachant qui laisse un double sentiment ; celui de la douceur presque empreinte de poésie et, celui de l’inexorabilité d’une chute. Un livre dont on ne sort pas totalement indemne.
4 ème de couverture
Y a-t-il chose plus terrible que de voir s’effriter la vie d’un être cher ? Quoi de plus monstrueux que de le voir plonger, jour après jour, dans l’oubli de soi, l’oubli des siens, l’oubli de tout, à la merci de cet ennemi aussi insaisissable qu’implacable : la maladie d’Alzheimer ?
Les souvenirs de M’amie s’envolent les uns après les autres. Désespérée, sa petite-fille cherche un moyen de les retenir. Peut-être la clef de cette mémoire prisonnière se trouve-t-elle dans les vieilles photos jaunies que sa grand-mère a éparpillées aux quatre coins de la maison familiale ? Oui, peut-être que de la trame usée de ces clichés, témoins du temps passé, on peut encore tirer et renouer le fil de cette vie qui s‘enfuit ! En entreprenant cette drôle de quête pour tenter de garder sa grand-mère auprès d’elle, la narratrice va construire un puzzle de mots et d’images aux couleurs tristes et tendres où les souvenirs enchantés de son enfance semblent remonter au fur et à mesure que ceux de la vieille dame s’effacent inexorablement, comme dans un douloureux effet de vases communicants. Le rappel des beaux instants d’amour partagés saura-t-il adoucir la cruauté des épreuves quotidiennes liées à cette affection ?
Avec pudeur et réalisme, l’auteur nous emporte dans le récit de ce combat inégal entre la maladie et la vie. Un sujet délicat traité avec prouesse et élégance.
Paru le 04/06/2010
L’auteur
Christine Spadaccini a passé son enfance le nez dans les livres, rêvant qu’elle aussi, un jour, en écrirait.
A son entrée au collège, elle a d’ailleurs crânement répondu « écrivain » à la question « que veux-tu faire plus tard ? ». Quand le professeur de français a lu sa fiche, il l’a sommée vertement de bien vouloir indiquer un « vrai » métier et, face au silence têtu de son élève, a barré « écrivain » au stylo rouge et mis « ne sait pas » à la place. Finalement, elle est devenue démographe, une belle aventure professionnelle, riche de voyages et de rencontres. Mais, les gens, elle préfèrera toujours les raconter que les compter !
Elle a donc repris le chemin des mots et a parfois une pensée taquine pour son vieux professeur avec qui elle sait désormais être presque d’accord : ce métier, il est tout simplement trop beau pour être vrai !
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