Les hirondelles de Kaboul porte un regard féroce sur cette dérive impitoyable des êtres vers la folie et la barbarie. À travers une écriture lyrique, mais sans excès, Yasmina Khadra décrit un monde « en état de décomposition avancée ». Kaboul suffocante, livrée aux corbeaux, où « les prières s’émiettent dans la furie des mitrailles » et où le rire est devenu péché. Avec ce roman, son dixième, l’auteur quitte son Algérie natale pour imaginer une histoire d’amour impossible au pays des talibans.
Yasmina Khadra est sensible aux parfums des femmes. Pourtant, derrière ce pseudonyme féminin se cache Mohammed Moulessehoules, ancien militaire algérien qui, à sa retraite, s’est consacré à l’écriture afin de dénoncer les atrocités commises dans son propre pays au nom d’Allah. Au fil des pages, au milieu de l’enfer, surgissent des personnages complexes, en quête de liberté : il y a d’un côté Atiq Shawquat, un ancien combattant devenu geôlier, et son épouse Mussarat, droite et courageuse mais atteinte d’une maladie incurable. Puis, il y a Mohsen et
la belle Zunaira. Couple
bourgeois, éduqué et libéral, qui s’accroche à l’amour comme pour échapper à la folie et donner un sens à leur existence.
Dans ce livre, on peut mesurer la tragédie qui se noue en Afghanistan, la souffrance des femmes, bien sûr, mais aussi le mal être des hommes. Les deux sexes ont perdu leurs repères, leurs valeurs, les idéaux de la culture afghane. Ils font ce qu’ils doivent, ce qui est admis en publique et, se réfugient dans ce qui reste d’intimité pour tenter d’oser enfin sourire en gardant une certaine appréhension, par peur des regards. Le ton de Yasmina Khadra reste toujours très juste, mesuré et sobre. Sans voyeurisme ni prosélytisme, l’auteur dépeint parfaitement le drame qui se noue loin de nous avec toute sa sensibilité.
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